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mercredi 30 septembre 2015

Pédagogie d’ailleurs : l'ASIE 5/5

Tu me dis, j'oublie.

Tu m'enseignes, je me souviens.
Tu m'impliques, j'apprends.

(Benjamin Franklin)



À partir de l'ouvrage comparatif, The Learning Gap, les articles précédents ont permis de tracer un chemin entre des pédagogies traditionnelles américaines e t asiatiques et la pédagogie Waldorf, dégageant un certain nombre de points remarquables : l'implication des élèves dans l'école, l'organisation des cours, l'étude collective de la leçon. Reste à faire un rapide tour d'horizon de l'environnement pédagogique.

 Quel rôle joue le cadre familial dans la tradition scolaire asiatique ?


Dans les pays asiatiques, chaque élève a sa place à la maison pour faire son travail, en fonction de l’espace : un bureau ou un coin de table, réservé même ‘symboliquement’ pour les devoirs et rien d’autre. Ces familles sont persuadées que la première responsabilité de leurs enfants est de s’appliquer, avec tout le sérieux dont ils sont capables, au travail scolaire. La vie de maison s'organise autour de cette croyance.

À chacun son métier !

Les Japonais et les Chinois font une différence assez nette entre les fonctions de l’école et celles de la maison. Les écoles reçoivent la tâche de développer les compétences académiques et sociales requises pour intégrer la vie en société, tandis que la maison apporte son soutien à l'enseignement et garantit un environnement émotionnel sain pour l’enfant. Ainsi, parents et enseignants travaillent-ils ensemble, sans pour autant empiéter sur leurs rôles respectifs.

D’ailleurs, jusqu’à l’âge de la ‘raison’, à savoir 6-7 ans, les parents se préoccupent peu de préparer leurs enfants pour l’école, et même bien au contraire ! À chacun son métier !


Pour l’enseignant, a fortiori pour le professeur de langue étrangère, il est essentiel d’avoir le soutien et confiance des parents. En ce qui concerne l’enseignement de l’anglais, souvent le parent a des attentes de contenu et de méthodologie, conséquences de son propre vécu réussi ou pas, qui peuvent être en contradiction du curriculum de l’école et de la classe ! C’est pour cette raison qu’une communication et des échanges de qualité entre les familles et le corps enseignant sont indispensables à une scolarité réussie.


'Lacunes dans l'éducation', en quelques phrases...


Pour conclure cette série de 5 articles, on peut tenter un rapprochement entre le dispositif asiatique fortement marqué par une tradition ancestrale et l’éducation Waldorf Seiner, dont la finalité est la liberté des enfants. A chacun de définir le mot 'liberté', mais disons qu’il s’agit de pouvoir faire ses propres choix à tous les niveaux, en acceptant leurs conséquences, positives comme négatives, et les émotions correspondantes !

En un certain sens, la liberté se traduit par « je veux » et « je peux », et non pas par « il faut » ou « je dois ».

Afin que l’enseignant se sente libre également, il est essentiel qu'il dispose une certaine dose de confiance personnelle, d'estime de soi, ce qui représente une démarche parfois difficile !

Ce que l'on attend de l'enseignant en pédagogie Waldorf est assez large : il est important d’être formé à l’approche pédagogique de l’école Waldorf Steiner, de connaître la matière qu'il enseigne, d'être accompagné en parallèle par ses collèges plus expérimentés et aussi de se sentir partie prenante d’une équipe. En bref, en tant qu''enseignant Waldorf, vous êtes appelés à vivre et ressentir dans vos cellules même tout ce que vous voulez apporter à vos élèves.
Tokyo : L'école rêvée de Takaharu Tezuka

Il est évident que depuis la première école Waldorf en 1919, la pédagogie à bien avancé. Rudolf Steiner était extrêmement ‘ouvert’ à toute nouvelle idée, puisant ses sources d’inspiration aussi bien dans le monde occidental qu’ailleurs.

  Moulin qui tourne toujours ne gèlera jamais. (Proverbe japonais)

De même, pour le professeur de langue, garder l’esprit ouvert et se sentir prêt à tester d’autres approches pédagogiques sont des critères essentiels pour faire évoluer le système dans lequel il travaille. D’ailleurs, c’est ce qu’on demande, chaque jour à nos élèves et aussi, moins directement peut-être, aux parents.


D.Miller, avec le concours de C. Bernard.

Sources des images : http://pekinlostintranslation.com/category/%E8%80%81%E5%A4%96-expatriation-bonheurs-et-deboires/ et http://positivr.fr/ecole-japon-architecture-takaharu-tezuka/

mercredi 9 septembre 2015

Pédagogie d’ailleurs : l'ASIE 4/5

Tu me dis, j'oublie.

Tu m'enseignes, je me souviens.


Tu m'impliques, j'apprends.


(Benjamin Franklin)


En atteignant le but, on a manqué tout le reste ! (Proverbe japonais)

ECL : l'Étude Collective de la Leçon – Excellent pour Construire en toute Liberté !


L’enseignant asiatique détient plutôt le rôle d’un guide bien informé que celui d’un distributeur privilégié d’informations ou même d'un juge de ce qui est correct, ou pas. Son objectif consiste à conduire l’élève vers des expériences et des questions, jusqu'à trouver des réponses. Il s'efforce de stimuler l'intérêt et la curiosité des enfants, grâce à des situations concrètes, en appuyant sur ce qui est déjà connu pour grignoter du terrain sur ce qui ne l'est pas. Il laisse les élèves travailler en sous-groupes qui apportent leur réponse. La conclusion est annoncée par le chef de groupe lors de la mise en commun et collectivement, on en évalue la validité. Enfin, l’enseignant passe en revue ce qui a été appris et le relie à la problématique initiale.

La boucle est bouclée.

Pour l’enseignant asiatique, la connaissance est à élaborer inividuellement. On ne peut pas l'apporter de l'extérieur.


Comment s'y prend l'enseignant ?

Voici le processus de l'étude collective de leçon – ECL :


  1. Accueillir les élèves et introduire la leçon.
  2. Générer l’intérêt/surprise – créer un contexte ‘nouveau’ – Créer un événement. 
  3. Poser une question – ouverte, évidemment, pour stimuler la réflexion et appeler une diversité de réponses, en accordant à la recherche le temps nécessaire. 
  4. Répartir les élèves pour tester des réponses ensemble : groupes, discussion, essais. Au besoin, diriger l’attention vers les éléments importants du problème, en évitant d’apporter la réponse ! 
  5. Permettre le feedback de chaque groupe lors d'une mise en commun en classe entière. 
  6. Orienter le dialogue vers la ‘bonne réponse’. En parallèle, au tableau, dessiner un schéma, un graphique ou un tableau pour expliquer le processus ou l’organigramme qui ‘exprime’ la bonne réponse. Établir ce compte-rendu en parallèle permet d'apporter un modèle d’une façon ‘naturelle’, de lui donner dusens et de l’intègrer naturellement dans le cours. 
  7. Aider les élèves à lier les différentes parties de chaque leçon les unes aux autres, en expliquant, au besoin, le but ou les liens des activités variées, en soulignant le sens de la leçon.


Voici l'exemple d'une étude collective de leçon - ECL en anglais :


Le professeur d’anglais arrive avec une valise : Question – What’s in the suitcase – il note les réponses des élèves


Il ouvre la valise et sort un marteau what’s this ?
Les réponses sont notées sans commentaire ! Chaque fois qu’il sort un objet, même processus :

  • Boîte de céréales
  • un peigne
  • un bonbon
  • une brosse à dent
  • un magazine
  • une tasse
  • un stylo
  • un mouchoir
  • des pièces de monnaie, etc.


Les élèves se mettent dans leurs groupes et cherchent la réponse à la question suivante : ‘Quel est le lien, le point commun entre tous ces objets’?

Les réponses sont notées – sans commentaire du professeur.

A tour de rôle, chaque groupe choisit un objet, et est demandé de trouver autant d’actions possibles de mime avec cet objet, sans le présenter à la classe, dans un premier temps.

Ensuite, à tour de rôle, chaque groupe présente un des mimes à l’ensemble de la classe, avec le professeur qui intervient après chaque mime en demandant : What is he/she/le nom de l’élève doing ?

Il note les réponses justes au tableau. (Évidemment, il s’agit d’introduire la forme progressive du temps au présent en anglais).

Le professeur peut commencer à noter un schéma de cette forme linguistique.

La finalité sera d’amener les élèves à proposer des réponse à la question : When do we use such a form? en faisant le lien avec la question initiale : ‘Quel est le lien, le point commun entre tous ces objets?'

Au professeur « d’adapter » avec bon sens la leçon, en fonction du niveau, de la durée du cours, du nombre d’élèves, etc, afin de compléter ce travail d’une façon cohérente. Dans sa progression, il peut introduire la forme du présent simple, soit juste avant, soit juste après pour ensuite, lors d'une troisième étape, amener les élèves à ‘jongler’ avec les deux temps. Ce 'jonglage' est également l'occasion de créer une surprise et de stimuler la curiosité des élèves.

Le clou qui dépasse appelle le marteau. (Proverbe japonais)

Enfin, les enseignants prennent le temps d’échanger entre eux et de partager leurs points de vue et expériences de cette approche pédagogique, surtout en ce qui concerne les types de questions à poser aux élèves, pour les amener à s'intéresser à un problème donné.

Pour vous citer un exemple de ce type de question, sachant qu’il existe une myriade de questionnements possibles, on peut se référer à la remarque de Mr Henri Dahan, Délégué général - Fédération des écoles Steiner-Waldorf en France, dans son article sur les mathématiques, intitulé « Les Maths en Question » dans la revue SENTIERS du Mouvement de Pédagogie Waldorf-Steiner – Juin 2015. Il donne cet exemple : « Si, au lieu de demander invariablement aux élèves de 10 ans, par exemple : « Combien font 49 x 51 ? », on leur demandait plutôt : « Comment calcules-tu 49 x 51 ? »

Dans ce cas, il s’agit tout simplement de remplacer le 'Quoi' par ‘Comment’ ou Pourquoi’.



Pour vous citer encore un autre exemple, à propos de la 'surprise', ou d'événement à créer pour lancer une leçon, je voudrais évoquer l'idée qu'expose Erhard Dahl, professeur allemand de littérature anglaise, en pédagogie Waldorf, dans son livre Teaching Foreign Languages (Enseigner Les langues Etrangères, non traduit en français). Avant le début du cours, il passe un mot, en cachette, à un élève lui demandant, pendant qu'il est occupé à écrire au tableau le dos tourné, de se lever, d’avancer vers le bureau du professeur, de fouiller dans son sac, de prendre une barre chocolatée, et de retourner vers son siège en la mangeant ! La leçon commence. Le professeur fait semblant de n’avoir rien remarqué. Puis, comme prévu, ce même élève ressort la barre de chocolat et la croque ostensiblement ! C’est à ce moment que le professeur se réveille et ‘outragé’, s'écrie : « What did James do ? » , espérant qu'un élève osera dire : ‘He ate your chocolate'. Le professeur d'anglais aborde ainsi l'emploi du passé simple en anglais, permettant de ‘placer’ le passé composé et plus que parfait….tout en impliquant les élèves dans ce drame quasi shakespearien !

Voici un style d’exercice qui n’empêche pas de maintenir la routine, et permet de créer une certaine ambiance dans la classe.

Et vous, comment faites-vous pour calculer 49 x51 ?


D.Miller, avec la coopération de C. Bernard.

Série de 5 articles « Pédagogie d'ailleurs : le JAPON » - Dernier article le 9 septembre : Qu'en disent les parents ?

Source des images : http://www.denshift.com/japon/la-scolarite-au-japon-premiere-partie

mercredi 2 septembre 2015

Pédagogie d’ailleurs : L'ASIE 3/5


Tu me dis, j'oublie.


Tu m'enseignes, je me souviens.


Tu m'impliques, j'apprends.


(Benjamin Franklin)



L'école chinoise ou japonaise est fondée sur une question essentielle profondément enracinée dans sa culture : « Qu’est-ce qui transmet le mieux qui l’on est, ce qu’on ressent, en bref : le fond de notre âme ? »

Un quart de siècle après sa publication aux États-Unis, l'ouvrage de Stigler et Stevenson est toujours d'actualité.


Le comparatif des systèmes éducatifs asiatique et américain mené dans The learning Gap éclaire la question sous plusieurs angles. L'article précédent s'intéressait à l'organisation scolaire. Voyons maintenant les spécificités pédagogiques.


 Jette une pierre au hasard, tu blesses un professeur. (Proverbe japonais)


Les 4 piliers de l'école asiatique

1-Enseigner les routines :

En Asie, le professeur consacre le temps nécessaire à construire une sorte de méthodologie du travail en classe : comment organiser son bureau ? Comment utiliser les équipements, les douches par exemple ? Comment changer de vêtements pour une activité sportive et comment trouver le bon crayon dans sa trousse ?

De plus, il apprend à répondre clairement et intelligiblement aux questions, à prendre des notes et à s'organiser dans ses cahiers. Acquérir de telles compétences, quel qu'en soit le temps nécessaire, facilite grandement les apprentissages et encourage la créativité.

2-L’effort et la capacité :


En Asie, l’accent porte sur l’importance de l’effort et non pas sur les capacités innées. Cette tradition culturelle est issue de la philosophie de Confucius. Les différences de capacité entre les individus sont cependant reconnues, car personne ne peut prétendre que tout le monde est né avec les mêmes ressources.


L'essentiel de cette philosophie réside dans la volonté dont chacun fait preuve pour maximiser ses capacités propres. Ainsi, un manque de performance est-il la conséquence d’un manque d’effort plutôt que d’un manque de capacité ou d’obstacles personnels ou environnementaux ? Pour un Asiatique, le progrès est une avancée pas à pas, potentiellement accessible à tous.

3-Les erreurs :


Dans le système asiatique, les erreurs sont une partie naturelle du processus d’apprentissage, et en aucun cas un signe d’échec qui signifierait un défaut d'apprentissage peut-être ! Les enseignants chinois et japonais n’adaptent pas leur cursus en fonction des facilités ou des difficultés des élèves. Aux plus « lents » incombe l'obligation d'efforts supplémentaires.

Ainsi, les erreurs ne mettent-elles pas en cause la capacité de l’enfant. Elles représentent plutôt un moyen de progresser, puisqu'elles soulignent l'endroit où faire porter ses efforts. Par conséquent, l’enfant est moins gêné et a moins peur d’être mal jugé aussi bien par le professeur que par ses camarades. En outre, il n'est pas mis en compétition. Il s’agit bien plus d’un travail collectif de groupe, où chacun a son rôle que d’un travail individuel en compétition.

4-Le geste pédagogique :

Rappelons que cette étude remonte aux années 80 et que l'ouvrage The Learning Gap est paru en 1992. Plus d'un quart de siècle nous sépare. L'éducation au Japon a depuis également considérablement varié. Toujours est-il que l’idée reçue à cette époque, consistait à dire que l’enseignement était basé sur l’apprentissage mécanique ou par cœur, si l’on le préfère.Aujourd'hui, cette thèse est tenue pour totalement fausse : justement, c'est le contraire !


Chaque leçon dure environ 40 à 50 minutes.

L’enseignant débute le cours par l'annonce de l'intention du jour.

Il le termine par un récapitulatif de la leçon. et puis annonce ‘Nous sommes finis’. Pendant le cours, l’intention est que l’enseignant et les élèves travaillent ensemble vers l’objectif énoncé au début du cours.

Ce qui caractérise la classe en Chine et au Japon, est la désir de dispenser un cours cohérent, présenté d’une manière réfléchie, détendue et non autoritaire. En fin de compte, l’enseignant passe très peu de temps à faire des exposés magistraux. Il oriente sa leçon vers une habile résolution de problème, apportant comme support des matériaux multiples, variés et représentatifs.

D.Miller, avec la participation de C. Bernard.

Série de 5 articles « Pédagogie d'ailleurs : l'ASIE » - Prochain article le 14 septembre : L'Etude Collective de la Leçon, ECL – 4/5