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mercredi 30 décembre 2015

La cuillère en bois

Voici l’histoire de la petite cuillère en bois racontée par le pédagogue, enseignant et auteur Martyn Rawson* lors d’une conférence donnée en Finlande, en anglais et en 2012, dont le sujet est d’une flagrante actualité.

Le défi et la nécessité actuels d’une pédagogie Waldorf moderne - The challenge and need for a modern Waldorf pedagogy today

  
Voici ce que raconte Martyn Rawson :
Croisant, lors d’une visite à l’école de Stuttgart, un professeur de travaux manuels, Rudolf Steiner a insisté sur l’importance de changer les choses et de donner des tâches aux élèves (il s’agissait alors des classes 5 et 6). Il conseille au professeur de réfléchir à la fabrication de quelque chose d’utile. Quelque temps après, le professeur, très créatif, revient avec une cuillère en bois et dit: « Voilà, ils pourraient bien sculpter une cuillère en bois ! » Ce à quoi Steiner répond : « Yesss, he could do that – oui, c’est une possibilité. »
Le résultat est qu’aujourd’hui (raconte Martyn Rawson qui a 4 enfants), j’ai 4 cuillères en bois admirablement sculptées, dont nous n’en servons pas pour cuisiner, et qui sont exposées avec les autres trophées de l’école à la maison ! Aussi excellente que soit l’idée de la cuillère en bois pour la sculpture, elle n’est pas la seule que le professeur peut appliquer dans ce contexte !
Martyn en conclut donc qu’à force d’interpréter certaines informations communiquées par des **tiers concernant Steiner, elles deviennent des dogmes quasi ‘religieux’, des traditions à transposer, même à d’autres pays, ce qui est justement l’inverse de ce qu’on attend.
Mais quel rapport entre l’atelier bois et le cours de langues vivantes ?
Le lien de cette métaphore avec les cours de langues est simple et se situe à plusieurs niveaux !
1.      Tout d’abord, il est important d’éviter toute approche dogmatique supposant que les  élèves s’adaptent à l’enseignant qui répète d’une année à l’autre le même programme avec la même approche. Certes, pour le nouveau professeur, il est nécessaire d’être accompagné et de s’appuyer sur un existant, mais avec le temps et l’expérience, il est tout aussi essentiel d’explorer de nouveaux sentiers, d’oser l’ouverture d’esprit et de prendre le risque de faire autrement.
2.      Ensuite, une école Waldorf Steiner repose forcément sur un ensemble d’idées reçues d’anciens, d’enseignants expérimentés dans des domaines spécialisés ou de formateurs, mais il me semble que peu bénéficient d’une vue d’ensemble et une connaissance globale de l’école, surtout en ce qui concerne les langues, et plus particulièrement les langues étrangères.
3.      Enfin, on peut considérer que chaque enseignant, formé à l’approche Waldorf ou non, respecte les schémas de sa propre personnalité et cherche une correspondance entre les idées ou les dogmes de l’anthroposophie et sa propre interprétation de celles-ci. Ce sont justement ces motifs de divergence et de diversité qui seront porteurs de richesse pédagogique dans une école Steiner et deviendront sources d’inspiration pour un professeur de langue, surtout nouvellement embauché.
S’en tenir aux limites de la ‘cuillère en bois’ revient à s’enfermer dans une forme et une matière, qui excluent de facto la créativité et l’initiative.
Et pourquoi pas une fourchette ? un éventail ? un arc-en-ciel ?
·         Et si on tentait les blocs horaires ? Cela se fait dans l’école où travaille Martyn Rawson, en Allemagne. Enfin un peu de continuité et un gain de temps énorme.
·         Et si on tentait les nouvelles approches pédagogiques, surtout en langues étrangères….sorry - en deuxième langue. Il y en a tellement !
·         Et si on tentait d’augmenter le nombre d’heures de langues afin de permettre aux élèves d’avoir un bon niveau (Enfin !...) ?
·         Et si l’on se permettait une folie absolue : avoir une journée par mois pour fêter chaque langue ‘étrangère’ dans l’école!
L’espoir est un rêve éveillé – Aristote
·         Et si, en travaux manuels, l’élève fabriquait son propre bureau, tel le souvenir plus utile et réel de son cursus scolaire et qui l’accompagnerait d’une année à l’autre...

En attendant, tous nos vœux de nouvel an 2016 !

* Martyn Rawson : The Tasks and Content of the Steiner-Waldorf Curriculum
* www.waldorflibrary.org        
* https://www.youtube.com/watch?v=43sGSi4rANI  
** E. A. Karl Stockmeyer  Rudolf Steiner's Curriculum for Steiner-Waldorf Schools** Henriette Bideau  le plan scolaire des Ecoles Rudolf Steiner** Caroline von Heydebrand The Curriculum of the First Waldorf School


mercredi 30 septembre 2015

Pédagogie d’ailleurs : l'ASIE 5/5

Tu me dis, j'oublie.

Tu m'enseignes, je me souviens.
Tu m'impliques, j'apprends.

(Benjamin Franklin)



À partir de l'ouvrage comparatif, The Learning Gap, les articles précédents ont permis de tracer un chemin entre des pédagogies traditionnelles américaines e t asiatiques et la pédagogie Waldorf, dégageant un certain nombre de points remarquables : l'implication des élèves dans l'école, l'organisation des cours, l'étude collective de la leçon. Reste à faire un rapide tour d'horizon de l'environnement pédagogique.

 Quel rôle joue le cadre familial dans la tradition scolaire asiatique ?


Dans les pays asiatiques, chaque élève a sa place à la maison pour faire son travail, en fonction de l’espace : un bureau ou un coin de table, réservé même ‘symboliquement’ pour les devoirs et rien d’autre. Ces familles sont persuadées que la première responsabilité de leurs enfants est de s’appliquer, avec tout le sérieux dont ils sont capables, au travail scolaire. La vie de maison s'organise autour de cette croyance.

À chacun son métier !

Les Japonais et les Chinois font une différence assez nette entre les fonctions de l’école et celles de la maison. Les écoles reçoivent la tâche de développer les compétences académiques et sociales requises pour intégrer la vie en société, tandis que la maison apporte son soutien à l'enseignement et garantit un environnement émotionnel sain pour l’enfant. Ainsi, parents et enseignants travaillent-ils ensemble, sans pour autant empiéter sur leurs rôles respectifs.

D’ailleurs, jusqu’à l’âge de la ‘raison’, à savoir 6-7 ans, les parents se préoccupent peu de préparer leurs enfants pour l’école, et même bien au contraire ! À chacun son métier !


Pour l’enseignant, a fortiori pour le professeur de langue étrangère, il est essentiel d’avoir le soutien et confiance des parents. En ce qui concerne l’enseignement de l’anglais, souvent le parent a des attentes de contenu et de méthodologie, conséquences de son propre vécu réussi ou pas, qui peuvent être en contradiction du curriculum de l’école et de la classe ! C’est pour cette raison qu’une communication et des échanges de qualité entre les familles et le corps enseignant sont indispensables à une scolarité réussie.


'Lacunes dans l'éducation', en quelques phrases...


Pour conclure cette série de 5 articles, on peut tenter un rapprochement entre le dispositif asiatique fortement marqué par une tradition ancestrale et l’éducation Waldorf Seiner, dont la finalité est la liberté des enfants. A chacun de définir le mot 'liberté', mais disons qu’il s’agit de pouvoir faire ses propres choix à tous les niveaux, en acceptant leurs conséquences, positives comme négatives, et les émotions correspondantes !

En un certain sens, la liberté se traduit par « je veux » et « je peux », et non pas par « il faut » ou « je dois ».

Afin que l’enseignant se sente libre également, il est essentiel qu'il dispose une certaine dose de confiance personnelle, d'estime de soi, ce qui représente une démarche parfois difficile !

Ce que l'on attend de l'enseignant en pédagogie Waldorf est assez large : il est important d’être formé à l’approche pédagogique de l’école Waldorf Steiner, de connaître la matière qu'il enseigne, d'être accompagné en parallèle par ses collèges plus expérimentés et aussi de se sentir partie prenante d’une équipe. En bref, en tant qu''enseignant Waldorf, vous êtes appelés à vivre et ressentir dans vos cellules même tout ce que vous voulez apporter à vos élèves.
Tokyo : L'école rêvée de Takaharu Tezuka

Il est évident que depuis la première école Waldorf en 1919, la pédagogie à bien avancé. Rudolf Steiner était extrêmement ‘ouvert’ à toute nouvelle idée, puisant ses sources d’inspiration aussi bien dans le monde occidental qu’ailleurs.

  Moulin qui tourne toujours ne gèlera jamais. (Proverbe japonais)

De même, pour le professeur de langue, garder l’esprit ouvert et se sentir prêt à tester d’autres approches pédagogiques sont des critères essentiels pour faire évoluer le système dans lequel il travaille. D’ailleurs, c’est ce qu’on demande, chaque jour à nos élèves et aussi, moins directement peut-être, aux parents.


D.Miller, avec le concours de C. Bernard.

Sources des images : http://pekinlostintranslation.com/category/%E8%80%81%E5%A4%96-expatriation-bonheurs-et-deboires/ et http://positivr.fr/ecole-japon-architecture-takaharu-tezuka/

mercredi 9 septembre 2015

Pédagogie d’ailleurs : l'ASIE 4/5

Tu me dis, j'oublie.

Tu m'enseignes, je me souviens.


Tu m'impliques, j'apprends.


(Benjamin Franklin)


En atteignant le but, on a manqué tout le reste ! (Proverbe japonais)

ECL : l'Étude Collective de la Leçon – Excellent pour Construire en toute Liberté !


L’enseignant asiatique détient plutôt le rôle d’un guide bien informé que celui d’un distributeur privilégié d’informations ou même d'un juge de ce qui est correct, ou pas. Son objectif consiste à conduire l’élève vers des expériences et des questions, jusqu'à trouver des réponses. Il s'efforce de stimuler l'intérêt et la curiosité des enfants, grâce à des situations concrètes, en appuyant sur ce qui est déjà connu pour grignoter du terrain sur ce qui ne l'est pas. Il laisse les élèves travailler en sous-groupes qui apportent leur réponse. La conclusion est annoncée par le chef de groupe lors de la mise en commun et collectivement, on en évalue la validité. Enfin, l’enseignant passe en revue ce qui a été appris et le relie à la problématique initiale.

La boucle est bouclée.

Pour l’enseignant asiatique, la connaissance est à élaborer inividuellement. On ne peut pas l'apporter de l'extérieur.


Comment s'y prend l'enseignant ?

Voici le processus de l'étude collective de leçon – ECL :


  1. Accueillir les élèves et introduire la leçon.
  2. Générer l’intérêt/surprise – créer un contexte ‘nouveau’ – Créer un événement. 
  3. Poser une question – ouverte, évidemment, pour stimuler la réflexion et appeler une diversité de réponses, en accordant à la recherche le temps nécessaire. 
  4. Répartir les élèves pour tester des réponses ensemble : groupes, discussion, essais. Au besoin, diriger l’attention vers les éléments importants du problème, en évitant d’apporter la réponse ! 
  5. Permettre le feedback de chaque groupe lors d'une mise en commun en classe entière. 
  6. Orienter le dialogue vers la ‘bonne réponse’. En parallèle, au tableau, dessiner un schéma, un graphique ou un tableau pour expliquer le processus ou l’organigramme qui ‘exprime’ la bonne réponse. Établir ce compte-rendu en parallèle permet d'apporter un modèle d’une façon ‘naturelle’, de lui donner dusens et de l’intègrer naturellement dans le cours. 
  7. Aider les élèves à lier les différentes parties de chaque leçon les unes aux autres, en expliquant, au besoin, le but ou les liens des activités variées, en soulignant le sens de la leçon.


Voici l'exemple d'une étude collective de leçon - ECL en anglais :


Le professeur d’anglais arrive avec une valise : Question – What’s in the suitcase – il note les réponses des élèves


Il ouvre la valise et sort un marteau what’s this ?
Les réponses sont notées sans commentaire ! Chaque fois qu’il sort un objet, même processus :

  • Boîte de céréales
  • un peigne
  • un bonbon
  • une brosse à dent
  • un magazine
  • une tasse
  • un stylo
  • un mouchoir
  • des pièces de monnaie, etc.


Les élèves se mettent dans leurs groupes et cherchent la réponse à la question suivante : ‘Quel est le lien, le point commun entre tous ces objets’?

Les réponses sont notées – sans commentaire du professeur.

A tour de rôle, chaque groupe choisit un objet, et est demandé de trouver autant d’actions possibles de mime avec cet objet, sans le présenter à la classe, dans un premier temps.

Ensuite, à tour de rôle, chaque groupe présente un des mimes à l’ensemble de la classe, avec le professeur qui intervient après chaque mime en demandant : What is he/she/le nom de l’élève doing ?

Il note les réponses justes au tableau. (Évidemment, il s’agit d’introduire la forme progressive du temps au présent en anglais).

Le professeur peut commencer à noter un schéma de cette forme linguistique.

La finalité sera d’amener les élèves à proposer des réponse à la question : When do we use such a form? en faisant le lien avec la question initiale : ‘Quel est le lien, le point commun entre tous ces objets?'

Au professeur « d’adapter » avec bon sens la leçon, en fonction du niveau, de la durée du cours, du nombre d’élèves, etc, afin de compléter ce travail d’une façon cohérente. Dans sa progression, il peut introduire la forme du présent simple, soit juste avant, soit juste après pour ensuite, lors d'une troisième étape, amener les élèves à ‘jongler’ avec les deux temps. Ce 'jonglage' est également l'occasion de créer une surprise et de stimuler la curiosité des élèves.

Le clou qui dépasse appelle le marteau. (Proverbe japonais)

Enfin, les enseignants prennent le temps d’échanger entre eux et de partager leurs points de vue et expériences de cette approche pédagogique, surtout en ce qui concerne les types de questions à poser aux élèves, pour les amener à s'intéresser à un problème donné.

Pour vous citer un exemple de ce type de question, sachant qu’il existe une myriade de questionnements possibles, on peut se référer à la remarque de Mr Henri Dahan, Délégué général - Fédération des écoles Steiner-Waldorf en France, dans son article sur les mathématiques, intitulé « Les Maths en Question » dans la revue SENTIERS du Mouvement de Pédagogie Waldorf-Steiner – Juin 2015. Il donne cet exemple : « Si, au lieu de demander invariablement aux élèves de 10 ans, par exemple : « Combien font 49 x 51 ? », on leur demandait plutôt : « Comment calcules-tu 49 x 51 ? »

Dans ce cas, il s’agit tout simplement de remplacer le 'Quoi' par ‘Comment’ ou Pourquoi’.



Pour vous citer encore un autre exemple, à propos de la 'surprise', ou d'événement à créer pour lancer une leçon, je voudrais évoquer l'idée qu'expose Erhard Dahl, professeur allemand de littérature anglaise, en pédagogie Waldorf, dans son livre Teaching Foreign Languages (Enseigner Les langues Etrangères, non traduit en français). Avant le début du cours, il passe un mot, en cachette, à un élève lui demandant, pendant qu'il est occupé à écrire au tableau le dos tourné, de se lever, d’avancer vers le bureau du professeur, de fouiller dans son sac, de prendre une barre chocolatée, et de retourner vers son siège en la mangeant ! La leçon commence. Le professeur fait semblant de n’avoir rien remarqué. Puis, comme prévu, ce même élève ressort la barre de chocolat et la croque ostensiblement ! C’est à ce moment que le professeur se réveille et ‘outragé’, s'écrie : « What did James do ? » , espérant qu'un élève osera dire : ‘He ate your chocolate'. Le professeur d'anglais aborde ainsi l'emploi du passé simple en anglais, permettant de ‘placer’ le passé composé et plus que parfait….tout en impliquant les élèves dans ce drame quasi shakespearien !

Voici un style d’exercice qui n’empêche pas de maintenir la routine, et permet de créer une certaine ambiance dans la classe.

Et vous, comment faites-vous pour calculer 49 x51 ?


D.Miller, avec la coopération de C. Bernard.

Série de 5 articles « Pédagogie d'ailleurs : le JAPON » - Dernier article le 9 septembre : Qu'en disent les parents ?

Source des images : http://www.denshift.com/japon/la-scolarite-au-japon-premiere-partie

mercredi 2 septembre 2015

Pédagogie d’ailleurs : L'ASIE 3/5


Tu me dis, j'oublie.


Tu m'enseignes, je me souviens.


Tu m'impliques, j'apprends.


(Benjamin Franklin)



L'école chinoise ou japonaise est fondée sur une question essentielle profondément enracinée dans sa culture : « Qu’est-ce qui transmet le mieux qui l’on est, ce qu’on ressent, en bref : le fond de notre âme ? »

Un quart de siècle après sa publication aux États-Unis, l'ouvrage de Stigler et Stevenson est toujours d'actualité.


Le comparatif des systèmes éducatifs asiatique et américain mené dans The learning Gap éclaire la question sous plusieurs angles. L'article précédent s'intéressait à l'organisation scolaire. Voyons maintenant les spécificités pédagogiques.


 Jette une pierre au hasard, tu blesses un professeur. (Proverbe japonais)


Les 4 piliers de l'école asiatique

1-Enseigner les routines :

En Asie, le professeur consacre le temps nécessaire à construire une sorte de méthodologie du travail en classe : comment organiser son bureau ? Comment utiliser les équipements, les douches par exemple ? Comment changer de vêtements pour une activité sportive et comment trouver le bon crayon dans sa trousse ?

De plus, il apprend à répondre clairement et intelligiblement aux questions, à prendre des notes et à s'organiser dans ses cahiers. Acquérir de telles compétences, quel qu'en soit le temps nécessaire, facilite grandement les apprentissages et encourage la créativité.

2-L’effort et la capacité :


En Asie, l’accent porte sur l’importance de l’effort et non pas sur les capacités innées. Cette tradition culturelle est issue de la philosophie de Confucius. Les différences de capacité entre les individus sont cependant reconnues, car personne ne peut prétendre que tout le monde est né avec les mêmes ressources.


L'essentiel de cette philosophie réside dans la volonté dont chacun fait preuve pour maximiser ses capacités propres. Ainsi, un manque de performance est-il la conséquence d’un manque d’effort plutôt que d’un manque de capacité ou d’obstacles personnels ou environnementaux ? Pour un Asiatique, le progrès est une avancée pas à pas, potentiellement accessible à tous.

3-Les erreurs :


Dans le système asiatique, les erreurs sont une partie naturelle du processus d’apprentissage, et en aucun cas un signe d’échec qui signifierait un défaut d'apprentissage peut-être ! Les enseignants chinois et japonais n’adaptent pas leur cursus en fonction des facilités ou des difficultés des élèves. Aux plus « lents » incombe l'obligation d'efforts supplémentaires.

Ainsi, les erreurs ne mettent-elles pas en cause la capacité de l’enfant. Elles représentent plutôt un moyen de progresser, puisqu'elles soulignent l'endroit où faire porter ses efforts. Par conséquent, l’enfant est moins gêné et a moins peur d’être mal jugé aussi bien par le professeur que par ses camarades. En outre, il n'est pas mis en compétition. Il s’agit bien plus d’un travail collectif de groupe, où chacun a son rôle que d’un travail individuel en compétition.

4-Le geste pédagogique :

Rappelons que cette étude remonte aux années 80 et que l'ouvrage The Learning Gap est paru en 1992. Plus d'un quart de siècle nous sépare. L'éducation au Japon a depuis également considérablement varié. Toujours est-il que l’idée reçue à cette époque, consistait à dire que l’enseignement était basé sur l’apprentissage mécanique ou par cœur, si l’on le préfère.Aujourd'hui, cette thèse est tenue pour totalement fausse : justement, c'est le contraire !


Chaque leçon dure environ 40 à 50 minutes.

L’enseignant débute le cours par l'annonce de l'intention du jour.

Il le termine par un récapitulatif de la leçon. et puis annonce ‘Nous sommes finis’. Pendant le cours, l’intention est que l’enseignant et les élèves travaillent ensemble vers l’objectif énoncé au début du cours.

Ce qui caractérise la classe en Chine et au Japon, est la désir de dispenser un cours cohérent, présenté d’une manière réfléchie, détendue et non autoritaire. En fin de compte, l’enseignant passe très peu de temps à faire des exposés magistraux. Il oriente sa leçon vers une habile résolution de problème, apportant comme support des matériaux multiples, variés et représentatifs.

D.Miller, avec la participation de C. Bernard.

Série de 5 articles « Pédagogie d'ailleurs : l'ASIE » - Prochain article le 14 septembre : L'Etude Collective de la Leçon, ECL – 4/5

lundi 24 août 2015

Pédagogie d’ailleurs : l'ASIE 2/5


Tu me dis, j'oublie.


Tu m'enseignes, je me souviens.


Tu m'impliques, j'apprends.


(Benjamin Franklin)


« Quel est LE problème des cours de langue en France ? »

Pourquoi le cursus de langues étrangères dans le système Waldorf Steiner comme dans d’autres systèmes éducatifs, en France – en principe, il faut exclure les écoles bilingues, qui recrutent dès le départ sur dossier des élèves sélectionnés - ne permet-il pas d’assurer un bon niveau général en langues vivantes ?
La réponse est simple : d'une part, le nombre d'heures de cours est insuffisant ; d'autre part, on accorde aux langues vivantes trop peu d'importance.
Ce qui sauve, en partie, les écoles Waldorf Steiner est la possibilité de bénéficier de longs échanges scolaires internationaux (deux à trois mois), à condition toutefois que l'élève accepte de partir, que l'école ciblée accepte de le recevoir et les parents puissent payer le voyage. Souvent, l’élève qui part avec un niveau insuffisant pour vraiment profiter d’un tel séjour, au regard d'une participation active dans le cursus de l’école, revient plus à l’aise dans la langue et réellement touché par la nouvelle culture. Malgré tout, ses erreurs de grammaire et de syntaxe subsistent généralement : par politesse, ses hôtes ne vont pas le corriger systématiquement, noblesse oblige !

Aussi, toute idée, approche ou technique pédagogique qui aiderait peu ou prou le professeur de langue à accompagner les élèves de sa classe et à les faire progresser, vaut-elle la peine d’être évaluée, voire testée.

Revenons donc aux trouvailles asiatiques de nos deux enquêteurs américains.

« L'eau prend toujours la forme du vase. »(Proverbe japonais)


Leur démarche comparative ne consiste pas à chercher un champion de la pédagogie Asie vs Europe, ni à promouvoir un système sélectif. Il ne s'agit pas non plus d'augmenter les notes des élèves, encore moins de décerner des prix d'excellence, surtout pour ce qui est de la pédagogie Waldorf, ni de viser des mentions et autres distinctions diverses, traditionnelles et culturelles.

Par la comparaison, les universitaires ont cherché à soumettre aux professeurs de langues des perspectives nouvelles pour les cours de langue. Leur vie, ainsi que celle de leurs élèves, nourries de points de vue différents, pourrait ainsi s’améliorer !

Dans l'organisation scolaire asiatique, il est intéressant de relever certaines ressemblances avec la pédagogie Waldorf Steiner.

Comment les classes en primaire et au collège sont-elles organisées ?

Dans les trois pays asiatiques étudiés, le nombre d’élèves variaient entre 38 à 50 par classe, avec des conditions matérielles, bien inférieures à celles des États-Unis, sans division en fonction des compétences, ni possibilité de dédoublement.

Afin de gérer un si grand nombre, dès l'entrée en primaire, le professeur consacre le temps nécessaire à enseigner aux nouveaux arrivants les principes et les bases du travail en groupe.

Ainsi, au tout début de leur scolarité, les enfants apprennent-ils à passer d’une activité à l’autre et à s'organiser pour retrouver facilement leurs affaires.

Chacun apprend à faire attention, à suivre les consignes et à s’exprimer fortement et clairement afin d’être compris.

Si le professeur accepte d’investir ce temps pour la gestion du travail scolaire, c'est qu'il accompagnera les mêmes enfants pendant 2 ou 3 ans et pourra en tirer parti au quotidien et sur la durée.

En ce qui concerne la discipline et la propreté de chaque classe, les enfants sont plus impliqués. On confie aux enfants la responsabilité du ménage, des repas et de la tenue de la salle de classe, et de même, pour la discipline, le professeur s'appuie sur le chef de classe. Ce rôle est dévolu tour à tour à chaque élève et puisque chacun est conscient qu’il aura à l'endosser, il est plus enclin à suivre les propositions du chef de classe actuel.


Lorsque l'eau monte, le bateau fait de même. (Proverbe japonais)



En somme, la participation active des élèves est une garantie essentielle du bon déroulement de chaque classe, aussi bien sur le plan relationnel que sur le plan matériel. L'enseignant a un rôle d'éducateur : il prépare et accompagne les élèves à effectuer des tâches collectives, et à veiller à la bonne tenue de son matériel personnel.

Les interactions sociales sont à niveau !




L'organisation scolaire asiatique cultive les relations à tous niveaux.

D’abord, les enfants habitent près de leur école et s'y rendent à pied, ce qui favorise la camaraderie et les relations de voisinage.

Dans les écoles chinoises et japonaises, chaque cours est suivi d’une petite récréation, soit 4 ou 5 pauses de 10 à 15 minutes par jour. Les élèves se livrent à des activités dynamiques, telles que le ping-pong, la corde à sauter, le badminton, le basketball, etc. De retour en classe, ils ont moins besoin de ‘bouger’ et sont plus attentifs.

Dans chaque classe, les élèves travaillent plus souvent en groupes que dans les écoles occidentales. Dans ces équipes hétérogènes, les uns aident les autres en fonction de la matière abordée. L'enseignant privilégie les démarches de découverte et de soutien, ce qui favorise chez les élèves le sentiment d'appartenance à un groupe. Chaque groupe met en présence des compétences et des facultés différents : talents artistiques, sportifs, etc. Ce type d’organisation permet aux enfants d’évaluer toutes les façons différentes que les individus peuvent mettre en œuvre pour contribuer au succès et élaborer une solution collective. Même si chaque groupe a son « meilleur élève » (top student), on ne regroupe jamais les meilleurs élèves ensemble.



Le travail individuel devant un bureau ne représente qu’environ 30% du temps de classe. On consacre donc soit 70% au collectif, pour renforcer le sentiment de la collectivité et diminuer l'isolement de l'élève face aux apprentissages.





D.Miller, avec la participation de C. Bernard.

Série de 5 articles « Pédagogie d'ailleurs : l'Asie » - Prochain article le 2 septembre : Les 4 piliers de l'école japonaise – 3/5.

Source des images : http://geographie.lapin.org/article.php3?id_article=112

lundi 10 août 2015

Pédagogie d’ailleurs : l'ASIE 1/5





Tu me dis, j'oublie.

Tu m'enseignes, je me souviens.

Tu m'impliques, j'apprends.

(Benjamin Franklin)


Dans les écoles Waldorf Steiner, la philosophie de la pédagogie puise ses sources en Allemagne et date de plus de 100 ans déjà, si l'on se réfère aux écrits de Rudolf Steiner.

Bien sûr, malgré les résistances de l’ancienne garde, cette pédagogie évolue. Rudolf Steiner recommandait à juste titre de vivre avec son époque, sans pour autant céder aux compromis faciles. Ce sont les enseignants garantissent l'intention première de cette approche : éduquer les enfants vers la liberté.


"Pourquoi nos écoles sont-elles en échec et que pouvons-nous apprendre de l'éducation en Chine et au Japon ?"


En 1992, deux professeurs américains d'Université, Harold W. Stevenson et James W. Stigler, publient un livre intitulé The Learning Gap*, relatant 5 études comparatives majeures, menées par The National Institut of Health et The National Science Foundation. Cet ouvrage met en parallèle les pratiques dans l’enseignement primaire aux États-Unis et en Asie, en particulier au Japon, à Taiwan et en Chine à la même époque, à savoir dans les années 1980. Cette confrontation s'est fixé comme objectif de chercher ailleurs les ressources et les moyens d’améliorer les résultats scolaires des écoles primaires aux États-Unis qui affichent des chiffres décevants malgré les moyens mis en place.


École d'excellence ou excellente école ?


Il ne s’agit pas dans cet article d'une synthèse du livre, hélas non traduit encore en français, mais de proposer certaines constatations et conclusions peut-être pertinentes et transposables dans notre culture.

Dans l’ensemble, cette étude démontre que les résultats dans ces 3 pays d’Asie sont nettement supérieurs aux performances des écoles américaines, même si le nombre d’élèves dans chaque classe est bien plus important, même si les conditions matérielles dans les classes sont plus précaires, et leur équipement plus indigent !

Le propos de nos chercheurs américains ne consiste pas à importer la culture d’éducation scolaire asiatique aux États-Unis, mais à explorer de nouvelles pistes de réflexion, afin, entre autres, de casser un certain nombre d’idées reçues. Par exemple, dans les années 50, peu de temps après la fin de la deuxième guerre mondiale, on considérait que tout produit importé du Japon était de mauvaise qualité, comme aujourd’hui pour la Chine….


« La démarche qualité », une nécessité


Dans les années 1980, le gourou de la qualité, l’américain Tom Peters, rendu célèbre grâce à son livre The Price of Excellence**, tenait une conférence dans un grand hôtel à Londres devant un ensemble de grands pontes de l’Industrie qui buvaient littéralement ses paroles. A un moment donné, en parlant de l’invasion réussie de la voiture japonaise et la chute des ventes de la sacro-sainte voiture américaine aux USA, Tom Peters informe l’auditoire, avec une solennité quasi biblique, du problème de la voiture américaine. Après une pause dramatique digne d'Hamlet, il interpelle son auditoire : « Quel est LE problème de la voiture américaine ? » Sa réponse est impitoyable : « Le problème de la voiture américaine, c'est…….qu’elle ne marche pas ! » La suite appartient à l’histoire. Inspirée pas le succès de la voiture japonaise, l’industrie américaine s’est penchée sur la question pour trouver les moyens d'améliorer la qualité de sa production. Jusqu'à présent, il n’est pas certain que ce retard ait été rattrapé, et encore c'est sans compter le succès des voitures allemandes.

Si l’on veut améliore, un système, au sens le plus large du terme, se renseigner sur ce qui se passe ailleurs est un signe de liberté et d’intelligence.

Cet axiome ne serait-il pas valable pour les cours de langues qui, me semble-t-il, sont les parents pauvres du système Waldorf-Steiner ? Admettons que les mathématiques soit un langage universel, même pour communiquer avec des extraterrestres à l’autre bout de l’univers***, il est tout de même assez limité sur le plan relationnel dans un monde qui est devenu un véritable village planétaire !


D.Miller, avec la participation de C. Bernard.



Série de 5 articles « Pédagogie d'ailleurs : l'ASIE » - Prochain article le 19 août : « L'eau prend toujours la forme du vase. » - 2/5




*Stevenson, H. & Stigler, J. (1992). The learning gap, Why our schools are falling behind and what we can learn from Japanese and Chinese education. New York, NY, Touchstone.

Ouvrage non traduit en français à ce jour. Le titre pourrait être traduit par : "Lacune dans l'éducation."

Pour en savoir plus, voir les publications du Réseau des Universités Ouest Atlantique – PUR . 


**Peters, Tom, Waterman, Robert H., Le Prix de l'excellence, Les 8 principes fondamentaux de la performance, Collection Idem, Dunod, 2012.

Pour en feuilleter le début, cliquer ici :http://medias.dunod.com/document/9782100583027/Feuilletage.pdf


***Souvenez-vous, c'était en 1972 : la plaque de Pioneer !

vendredi 3 juillet 2015

Ne pas confondre : « langue étrangère » et « langue seconde » !

Pourquoi, en France, apprend-on une « langue étrangère » et non pas une « deuxième langue » comme nos voisins nordiques ? Voilà qui peut intriguer.

Étrange parcours du combattant pour les Français ?




La résonance du mot « étrangère » est une pierre d’achoppement, alors même que l’apprentissage n'a pas encore débuté ! Est-ce une façon détournée de prévenir l’apprenant des difficultés de son parcours ? De l'importance des différences avec sa propre langue ? Du nombre d'obstacles qui l'épuiseront et des inévitables souffrances à venir.L'expression française insiste malheureusement sur le caractère « étranger » de la nouvelle langue enseignée, comme si on se mettait à parler de « communication étrangère » au moment d’apprendre à écrire, puisque, d'un sens, l'alphabet n'a pas été inventé en France !


 



 

 'Même une langue ne naît pas étrangère, elle le devient.'


Bien sûr, tout dépend de l'interprétation qu'on fera du mot « étrangère » et du contexte dans lequel on le situe. Si on y pense, pour ceux qui s'apprêtent à vivre dans le village planétaire que devient le monde petit à petit, le mot « étranger » a-t-il toujours du sens ? Dans les écoles londoniennes, plus de 300 langues différentes sont enseignées : par conséquent, en toute logique, c’est l’anglais qui est la langue étrangère !
Certains mots nous attirent et d’autres nous repoussent souvent d’une façon inconsciente : prenons l'exemple de 'contrôle' ou 'cadeau'. Allons un peu plus loin. Examinons l’expression suivante : l’accouchement sans douleur. Le mot clé est douleur, plutôt 'sans douleur'. Afin de saisir le sens de ces termes, le cerveau va se fixer d'abord sur le mot 'douleur', puis inclure le ‘sans’. Le fait d’être orienté ‘douleur’ va impacter déjà le corps vers la douleur, même avant de commencer à accoucher. De cette manière, on crée un ancrage qui empêche paradoxalement de se former à un accouchement effectivement sans douleur. Imaginons maintenant, au contraire, une approche titrée ‘accoucher avec douceur’ ou même ‘accoucher avec plaisir’ ! L’émotion sur laquelle vous vous focalisez revêt une grande importance sur votre façon d'être.

Une, deux, trois langues et plus si affinités !

La majorité des Danois parle une deuxième langue - l’anglais. Certains pratiquent aussi le suédois et l’allemand. Ils ne se posent pas de questions au sujet de cette autre langue. Elle leur facilite la vie, un point c'est tout. Ainsi peuvent-ils voyager et recevoir des étrangers dans de meilleures conditions. Même avec leur autre langue, ils restent totalement danois et fiers de l’être.
Utiliser une langue seconde n'enlève rien de l'identité, au contraire. Cette deuxième langue renforce l’unicité de la langue maternelle et offre la possibilité d'un véritable intérêt pour les étrangers et leurs différences !
L'apprentissage d'une deuxième langue est la suite naturelle de celui d’une première langue et n’a rien d’étranger. Dès lors, il paraît plus facile et plus engageant d'encourager la pratique d'une deuxième langue plutôt que d'une langue étrangère. C’est une question d’étape.
La première étape est d’apprendre sa première langue et puis, ensuite ou en parallèle, une deuxième. Avec une telle approche, l’élève est dans un autre état d’esprit. L’enchaînement est plus naturel, plus spontané et plus ‘facile’, comme quand on s'initie à un premier sport, puis à un deuxième, etc.

Comme on dit, ‘It’s all in the Head’…


David Miller Céline Bernard


NB - Probabilités du calcul des langues parlées :

Hormis 'langues étrangères', le français dispose de plusieurs termes pour désigner les langues parlées différentes de la langue maternelle. La 'langue seconde' est celle qui est la mieux maîtrisée et qui vient en deuxième position, tandis que la 'deuxième langue vivante' (apprise en classe, elle est raccourcie en LV2) vient en troisième position des langues pratiquées, si classement il y a.

Du coup, même sans parler de classes 'bilangues' ou 'bilingues', les confusions au sujet des langues sont monnaie courante.